Les dogmes de la nutrition
C'est un blog qui discute les nouvelles idées en matière de nutrition, presque toutes venues des Etats-Unis
jeudi 19 mai 2011
Le régime paléolithique
jeudi 31 mars 2011
Donne-nous chaque jour...
jeudi 24 février 2011
Offre spéciale
jeudi 17 février 2011
Libérez-vous des fringales!
Précipitez-vous, il n'y en aura pas pour tout le monde! Et, dès que vous aurez eu l'occasion de le feuilleter, n'hésitez pas à laisser des commentaires sur les sites de vente en ligne de livre, ou sur les forums dont vous faites partie. Merci d'avance.
lundi 13 décembre 2010
Julia Ross et les dépendances alimentaires
lundi 29 novembre 2010
Oui, les régimes font grossir ! Mais il y a plus.
En France, c’est enfin officiel : les régimes sont dangereux, font grossir, causent des carences graves, perturbent le métabolisme, et sont une cause majeures des troubles du comportement alimentaires, comme l’anorexie et la boulimie. Ce sont en effet les conclusions principales de l’étude présentée par le Prof. Lecerf à l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments (Anes) le 23 novembre dernier.
Ce qui est amusant, c’est que les arguments mis en avant sont exactement ceux que vous retrouverez dans un livre à paraître en janvier prochain aux éditions Thierry Souccar, l’Anti-régime, par Julia Ross, dans une adaptation française de votre serviteur (je vous en reparle sous peu) :
- Dans plus de 95% des cas, on pèse plus quelques années après un régime.
- Des personnes qui n’étaient pas initialement en surpoids se retrouvent en fin de compte en surpoids à cause des régimes
- Les régimes causent des carences graves
- Les régimes perturbent le métabolisme
- Les régimes sont la première cause des troubles du comportement alimentaire, en particulier l’anorexie et la boulimie, et aussi de la perte de poids.
On ne peut que se réjouir que la nutrition officielle se défasse de ce premier tabou – l’idée qu’une modification temporaire de votre alimentation vous permettra d’atteindre le poids souhaité, et que vous pourrez ensuite, reprendre une alimentation normale, comme dirait le PPD des guignols. Il reste néanmoins beaucoup à faire en France pour nous libérer de la vision moraliste du poids : on est gros parce qu’on mange trop et qu’on ne bouge pas assez. Un peu d’austérité est ça ira mieux ; et par conséquent, l’excès de poids est un échec moral, un défaut de volonté.
Dans la collection que je lance avec les éditions Thierry Souccar (« La Nouvelle Nutrition », nom temporaire), j’essaierai, en adaptant des auteurs surtout américains, de démontrer qu’une bonne alimentation peut et doit être joyeuse, et être suivie naturellement. Oui, il faut faire un effort pour modifier son alimentation ; oui, on doit faire attention à ce qu’on mange. Mais on ressort toujours perdant d’une guerre contre soi. Au lieu de ça, il faut attendre le plus vite possible un état où on mange ce dont on a envie, quand on a faim. J’essaierai d’expliquer ça en détail dans mon prochain livre, La guerre du poids n’aura pas lieu. Ne zappez pas.
Dans l’intervalle, voici quelques sujets que devrait aborder la nouvelle collection : Gary Taubes a raconté comment le dogme du cholestérol s’était imposé sans fondement scientifique (les lecteurs de ce blog connaissent déjà les grandes lignes de cette histoire) ; Atkins a bien établi que la consommation de graisses saines était bénéfique à la santé ; les praticiens et théoriciens du régime paléolithique, comme Mark Sisson, Loren Cordain ou Rob Wolffe savent bien qu’une vie sans céréales et une vie plus longue, plus saine et plus heureuse ; les spécialistes de l’obésité comme Scott Rigden ont démontré que l’allergie au blé est une des causes principales de l’obésité ; le rôle des addictions a été synthétisé par Julia Ross ; les patients de Paul Chek ou de William Wolcott ont appris à écouter les besoins changeants et uniques de leur corps plutôt que les diverses idéologies qui prétendent réguler notre alimentation. Si nous pouvons contribuer, même un peu, à changer les façons de penser par rapport au poids, notre travail n’aura pas été inutile.
mardi 13 avril 2010
L'invention d'un consensus
Le Comité spécial du sénateur George McGovern, mal informé et manipulé, transforma l'hypothèse de Keys en dogme absolu et officiel à partir de 1977.
L'argument selon lequel les céréales sont la nourriture idéale de l'alimentation de masse, bien plus efficaces écologiquement que les produits animaux, devint commun en 1971 avec la publication de Diet for a Small Planet (Régime pour une petite planète) de Francis Morre Lappé, un végétarien de 26 ans : les deux millions de tonne de production annuelle de boeuf aux Etats-Unis, arguait-il, consommaient vingt millions de tonnes de protéines de soja et d'autres végétaux. Ce sont donc dix huit millions de tonnes de protéines gaspillées qui auraient pu nourrir des populations affamées. La consommation de viande était devenue une question sociale et politique, et non plus seulement scientifique. Les deux aspects eurent tôt fait de fusionner, et dès le début des années 1970 l'argument moral et l'argument de santé étaient utilisés ensemble. Un mouvement anti-gras, anti-viande s'était développé, dont les racines étaient à trouver dans la contre-culture des années 1960, la sensibilité aux questions de faim dans le monde et de surpopulation, et la mise en cause des habitudes alimentaires « des riches » (comme dans la "révélation" initiale de Keys à Naples) et des Etats-Unis en particulier.
Les choses ont probablement basculé en faveur de Keys le 14 janvier 1977, quand le sénateur George McGovern a annoncé la publication des premiers Objectifs alimentaires pour les États-Unis. Pour la première fois, le gouvernement fédéral américain affirmait qu'on améliorerait sa santé en mangeant moins gras, ce qui démarrait une réaction en chaine dans la presse et le grand public et donnait à l'hypothèse de Keys la consécration de la parole officielle. Pourtant, les Objectifs Alimentaires étaient fondés sur un ensemble d'études aux résultats ambigus, scientifiquement contestables et contestés, et en convenaient d'ailleurs. Mais on n'avait rien à perdre, disait le rapport, à changer ses habitudes alimentaires, puisque « aucun risque » n'avait été identifié (nous venons de montrer le contraire) et qu'on pouvait attendre de ce changement « de grands bénéfices ».
Les Objectifs étaient le produit du Comité spécial du Sénat américain sur la nutrition et les besoins humains, un comité bipartisan fondé en 1968 avec pour objectif d'éradiquer la malnutrition, et qui avait d'abord créé des programmes fédéraux d'assistance alimentaire. C'est fort de ce succès que le Comité se tournait vers la question du lien entre alimentation et maladies chroniques.
Le comité comptait des politiciens majeurs, comme McGovern, Ted Kennedy, Charles Percy, Bob Dole ou Hubert Humphrey. McGovern lui-même avait été très influencé par la philosophie de Nathan Pritikin, qui consistait en un régime très pauvre en graisses et beaucoup d'exercice.
Le personnel du comité, qui avait bien sûr une influence déterminante sur ses travaux, ne comptait aucun spécialiste mais seulement des juristes et d'anciens journalistes, qui n'avaient pas idée qu'une controverse scientifique existait sur les thèse de Keys. Ils se faisaient un devoir de n'examiner qu'avec méfiance les arguments des industries du lait, de la viande, et des oeufs. Mottern, qui rédigerait l'essentiel des Objectifs, avait commencé sa carrière au Sénat après avoir vu un documentaire sur la famine en Afrique à la télévision en 1974. La thèse du « changement de régime des américains» (ch. 1) était pour lui un argument décisif et incontestable. Quand on en venait aux question scientifiques, Mottern se reposait pour ainsi dire sur les conseils d'un seul expert, Mark Hegsted, de Harvard, et il voyait en Keys, Stamler et Hegsted des héros résistant aux pressions d'une industrie agro-alimentaire qu'il comparait volontiers à celle du tabac.
Presque aucun chercheur n'était d'accord avec les recommandations des Objectifs, de sorte que le Comité organisa, suite à leur publication, huit séries d'audiences supplémentaires. Plusieurs chercheurs, administrateurs et organisations médicales importants vinrent témoigner que les Objectifs étaient au mieux prématurés, au pire irresponsables. Mais la présence d'industriels de l'agro-alimentaire à leurs côtés ne servait pas leur crédibilité.
Dans la version révisée des Objectifs alimentaires, le Comité recommandait de lutter prioritairement contre le surpoids. Au lieu de recommander de manger moins de viande, il recommandait de manger des viandes moins grasses. Le comité reconnaissait aussi en préface que certaines questions importantes étaient encore sans réponse, en particulier : « la baisse du taux de cholestérol sanguin permet-elle de prévenir ou de retarder les maladies cardiaques? ».
Cette question ne recevrait jamais de réponse, mais cela ne semblait plus devoir avoir d'importance – la question du régime alimentaire était devenue politique, et Keys et ses partisans en étaient les gagnants. Le Ministère de l'Agriculture (USDA) du président Carter, sous la direction de Carol Foreman, allaient se charger de faire des recommandations du Comité McGovern la politique officielle du gouvernement, et publiait en Février 1980 les Principes alimentaires pour les américains (Dietary Guidelines for Americans). Les Principes, comme les Objectifs, reconnaissaient l'existence d'un débat et même la possibilité que le même régime ne soit pas approprié pour toute la population. Il n'en proclamait pas moins en couverture: « Évitez de manger trop de graisses, trop de graisses saturées, et trop de cholestérol. »
Le Conseil sur l'alimentation et la nutrition (Food and Nutrition Board -FNB) publia ensuite sa propre version des Principes, qui, beaucoup plus prudemment, conseillait seulement de surveiller son poids. Parce que ces recommandations ne suivaient pas les conclusions du Comité spécial et des Objectifs, elles provoquèrent une levée de bouclier dans la presse et parmi les politiques, et surtout des accusations de corruption. Jane Brody, du New York Times, écrivit que tous les membres du FNB était « dans la poche des industries » qui souffraient des recommandations de McGovern. Le président du Sous-comité pour la santé de la Chambre des représentants, Henry Waxman, décrivit les recommandations du FNB comme « inexactes et potentiellement biaisées » ainsi que « tout-à-fait dangereuses ».
Une fois la thèse douteuse devenue officielle, les résultats de recherche ne semblaient plus pouvoir l'ébranler. En fait, la thèse de Keys était devenue un présupposé de la recherche.
L'essai d'envergure qui aurait pu trancher la controverse de manière scientifique ne fut jamais mené, en grande partie parce qu'il aurait coûté un milliard de dollars. En 1971, le NIH avait décidé de dépenser un tiers de cette somme pour six études plus petites dont il espérait qu'elles seraient suffisamment conclusives. Les résultats de ces études furent connus entre 1980 et 1984, trop tard donc pour influer les recommandations officielles. Au contraire, comme nous allons le voir, ce sont les les recommandations qui pesèrent manifestement sur la façon dont les résultats des études furent interprétés.
Quatre de ces études portaient sur de nouvelles études multi-pays (comme l'étude initiale de Keys) et cherchaient, sans succès, à établir un lien entre le gras dans l'alimentation et l'état général de santé de la population. A la lecture des conclusions de ces études, on voit néanmoins que les auteurs s'efforçaient toujours d'interpréter les résultats dans le sens de la thèse désormais officielle. La plupart de ces études suggéraient également un lien entre réduction du cholestérol et cancer – une tendance qui s'est renforcée tout au long des années 1970, et que le National Heart, Lung and Blood Institute (NHLBI), qui conduisait les études, jugeait « chagrinante ». Là encore, on décida de rejeter les preuves allant dans ce sens et de ne retenir que les études allant dans le « bon » sens – mais cette fois le scepticisme avait changé de côté, et ce sont les partisans de la réduction du cholestérol qui insistaient sur l'insuffisance des preuves.
Les deux autres études coutèrent 265 millions à elles deux, et testaient l'efficacité, pour la prévention des crises cardiaques, d'une approche multi-factorielle (Étude MRFIT) pour l'une ; et de médicaments anti-cholestérol pour l'autre (Étude LRC). Dans les deux cas, on testait des population d'hommes d'âges moyens à cholestérol élevé mais qui n'avaient pas eu de crise cardiaque. Ces hommes présentant supposément un risque élevé de crise cardiaque, on espérait des bénéfices spectaculaires de la réduction du cholestérol. Dans l'étude LRC, on avait même jugé contraire à l'éthique de ne pas faire bénéficier le groupe de contrôle du régime anti-cholestérol, ce qui témoigne bien que, bien avant le Comité McGovern, les autorités de santé s'étaient fait leur opinion quant aux bienfaits de la réduction du cholestérol.
Dans l'étude MRFIT (Multiple Risk Factor Intervention Trial), il y eut plus de morts parmi ceux à qui on avait conseillé d'arrêter de fumer, de suivre un régime anti-cholestérol, et de prendre des médicaments contre l'hypertension, que dans le groupe de contrôle. L'étude LRC, elle, démontrait bien une réduction du cholestérol d'environ 13 % grâce au médicament anti-cholestérol (couplé donc, dans le groupe placébo comme dans le groupe traité, à un régime anti-cholestérol) contre 4 % au groupe de contrôle. En ce qui concerne la mortalité après dix ans, les chiffres du groupe traité étaient meilleurs que ceux du groupe placébo de 0,2 % ! En d'autres termes, l'effet sur la longévité du médicament n'était pas statistiquement significatif.
L'étude MRFIT n'en fut pas moins considéré comme conclusive. Qui plus est, ses auteurs affirmèrent non seulement qu'elle démontrait les bénéfices du médicament, mais encore qu'elle démontaient ceux du régime anti-cholestérol, lequel n'avait même pas été testé, puisque les deux groupes l'avaient suivi. En mars 1984, Times faisait pourtant sa une sur « Cholestérol : et maintenant la mauvaise nouvelle... » et l'article, qui portait donc sur le test d'un médicament, commençait par ces mots : « Pas de lait entier. Pas de beurre. Pas de viande grasse. Moins d'oeufs... »
En décembre, le NIH organisait une « conférence de consensus » pour clore le sujet. La conférence ne donnait simplement pas de voix aux sceptiques et concluait qu'il n'y avait « aucun doute » : les régimes pauvres en graisses constituaient une protection significative contre les maladies cardiaques.