jeudi 19 mai 2011

Le régime paléolithique

Franchement, le mouvement nutritionnel et d'hygiène de vie le plus excitant qui nous vienne des Etats-Unis en ce moment (insérez votre blague sur DSK ici), c'est le mouvement "paléo". L'idée de base est très simple: pour retrouver la santé (y compris perdre du gras, être plus musclé, etc.), nous devons retrouver nos conditions naturelles de subsistance. Or, contrairement à ce que voudraient nous faire croire certains naturopathes et végétariens, l'état de nature de l'homme n'est pas la société agricole.

D'un point de vue génétique en effet, nous sommes essentiellement des chasseurs-cueilleurs, parce que nous l'avons été pendant la quasi-totalité de notre histoire biologique. Selon les régions, la révolution néolithique, c'est-à-dire l'introduction de l'agriculture et de la sédentarité, date d'il y a entre deux et dix mille ans. C'est dire que nous n'y somme pas génétiquement adaptés. D'ailleurs, la détérioration de la santé humaine due à la révolution agricole est bien documentée par les paléontologues. La où l'agriculture apparaît, apparaissent aussi les caries dentaires, l'ostéoporose, toutes sortes de carences et de maladies dégénératives, et l'espérance de vie diminue. Bien sûr, la population humaine augmente énormément avec la sécurisation de l'alimentation (et du mode de vie). Mais pas la santé, ni l'espérance de vie de ceux qui échappent aux animaux sauvages et autres dangers de la vie d'homme des cavernes.

La révolution "paléolithique" propose donc de s'inspirer de cette santé primitive et de l'adapter au monde moderne. Un de ces aspects les plus intéressants, c'est de n'être pas seulement un régime, mais une reconsidération du mode de vie dans son ensemble. Pour en savoir plus, lisez les pionniers Loren Cordain et Art de Vany, et les champions modernes, Mark Sisson et Robb Wolffe. Si vous voulez du matériel en français, il va falloir attendre que j'ai fini de traduire et de publier le livre de Mark.

Ceci dit, pour aujourd'hui, explorons d'abord la question de l'alimentation. D'abord, un régime paléo strict consiste en la suppression des aliments "néolithiques". La base, c'est donc: pas de céréales, pas de sucre, pas d'huiles végétales, pas de légumineuses, pas de produits laitiers. Tout cela implique bien sûr: aucun aliment qui sort d'une boite et qui se conserve pendant des mois voire des années.

Bien sûr, si on veut vraiment manger comme un homme des cavernes (comme un chasseur-cueilleur), c'est encore plus restrictif : on ne mange que du gibier et des poissons de pêche, pas de produits d'élevage. Et puis on préfère les légumes et les fruits sauvages à ceux du potager. Bonne chance. La bonne nouvelle, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'être aussi strict. Viandes, poissons et légumes de la ferme sont autorisés. En fait, leur seul gros problème, c'est que leur composition en acides gras essentiels est en général déséquilibrée au profit des oméga-6. Du coup, pour apporcher une santé primitive dans le monde moderne, il faut des compléments d'oméga-3 pour compenser la richesse en oméga-6 des aliments qui sont disponibles. (J'ai expliqué ailleurs pourquoi je conseillais de se méfier des huiles de poisson comme sources d'oméga-3, mais la plupart des auteurs du mouvement "paléo" ne partagent pas cette réticence)

Certains me diront: mais qu'est-ce qu'on mange alors? D'aucuns trouveront même ces restrictions ridicules et impossibles à mettre en oeuvre. Pourtant, avec des protéines animales (poissons et fruits de mers, viandes et abats), des plantes en tous genres, et des épices, on peut créer une variété alimentaire bien supérieure à celle de notre alimentation habituelle qui, si vous y prêtez attention, consiste en général surtout en des variations infinies sur la farine: le pain, les pâtes, les sandwiches, les tartes, etc. En fait, l'amateur de restaurant en moi me dit qu'on peut manger paléo dans certains des meilleurs restaurants de Paris, comme l'Ami Louis ou Chez l'Ami Jean.

Selon les auteurs, il y a différentes tolérances pour les régimes paléo: ainsi Art de Vany aime bien les saucisses à l'occasion, et il utilise le fromage comme assaisonnement. Mark Sisson considère que la tolérance aux produits laitiers diffère d'un individu à l'autre, mais qu'il est tout-à-fait possible pour certains de rester "paléo" avec des produits laitiers. Entre la tolérance des produits laitiers et leur interdiction totale, il y a toutes sortes de degrés: certains tolèrent bien le lait de chèvre ou de brebis mais pas le lait de vache. D'autres n'ont de problème qu'avec le lait pasteurisé et homogénéisé mais pas avec le lait cru. D'autres n'ont pas de problèmes tant qu'ils limitent les quantités. Comme toujours, c'est l'expérience clinique, pas la théorie ni les études en double aveugle, qui permet de trancher ces questions au cas par cas. D'autres tolèrent l'usage occasionnel de légumineuses, par exemple.

Et puis il y a la question du gras. Les premiers auteurs (Cordain, de Vany), sur la base du raisonnement "des plantes et du gibier", pensaient qu'un régime paléolithique était pauvre en gras, puisque la viande de gibier est maigre. De plus, ils ont émergés dans les années 1980, en plein délire du cholestérol qui bouche les artères, un dogme que même eux ne pensaient pas, à l'époque, remettre en question.

Mais vingt ans plus tard, les paléontologues ont repris leurs calculs sur ce que mangeaient les chasseurs cueilleurs, en s'avisant qu'il ne mangeaient pas que les muscles, comme nous, et même, qu'ils ne mangeaient pas les muscles en priorité. A force de crânes et d'os cassés sur les sites paléontologiques, ils ont réalisés que nos ancêtres mangeaient sans doute beaucoup de moelle et de cerveau, et aussi d'autres organes -- des abats, en somme. Ils en étaient sans doute friands, mais il y a une autre raison: grâce aux outils, ils pouvaient casser des os et accéder à ces morceaux, à la différence des autres grands prédateurs. Il semble même que certains groupes d'humains ou d'hominiens vivaient en "suivant" des lions ou des loups, qui laissaient derrière oeufs des crânes et des os pleins de bonnes choses. Il s'est avérée, du coup, que l'alimentation de nos ancêtres était sans doute beaucoup plus grasse qu'on ne le croyait, et beaucoup plus grasse que la nôtre.

Du coup, la donne contemporaine dans le monde paléo, c'est de manger plutôt gras. On est passé de Cordain "blanc de poulet sans la peau" et "blanc d'oeufs" à Mark Sisson: "on ne peut pas manger trop de lard". Mais le gras, bien sûr, n'est pas constitué d'huiles végétales qui sont rances et riches en oméga-6 dont nous avons déjà trop. Les sources de graisses privilégiées sont les sources animales (viande grasse, abats, graisses d'animaux), et aussi quelques graisses végétales aux vertus exceptionnelles (huile de coco) ou en tous cas très peu nuisibles (huile d'olive ou de macadamia).

Tels sont donc les rudiments du régime "paléo". Il favorise et facilite grandement la perte de gras et le gain de muscle. Il aide à lutter contre les maladies dégénératives en tous genres. Et il a été démontré comme un remède souverain contre l'acné juvénile. C'est clair, les ados?

La prochaine fois, je vous parlerai des aspects "modes de vie" et "exercice" physique de l'école paléo.